Guissou Jahangiri: Les élections présidentielles ainsi que celles des Conseils islamiques des villes et des villages auront lieu simultanément le 19 mai prochain en Iran. Ce sera la douzième fois que l’on élit un président, et la cinquième édition des élections des Conseils, 38 ans après la révolution dite islamique. Malgré un débat habituel à la veille de chaque élection présidentielle, les femmes, même celles considérées comme loyales au régime de la république islamique, ne peuvent toujours pas se porter candidates à ce poste.

L’article 115 de la Constitution de la République islamique stipule que le président doit être élu parmi les « personnalités religieuses et politiques » qui sont iraniennes jus sanguinis. Le problème est que le terme « personnalité », rajol, emprunté à l’arabe, est du genre masculin dans cette langue même s’il ne l’est pas en persan qui n’a pas de genre. Ceci est, depuis quatre décennies, le principal argument pour rejeter l’éligibilité des femmes à ce poste. Le débat bat son plein à l’heure actuelle à propos de ce terme. Par delà des divisions conservateurs-réformateurs, certains sont en faveur de l’éligibilité des femmes. Ils l’interprètent comme un mot neutre qui veut simplement dire « personne » en persan et souhaitent que la constitution soit modifiée pour mettre fin à toute interprétation excluante ? Ils s’opposent aux conservateurs qui considèrent que cette restriction est constitutionnelle et donc rejettent les femmes comme n’étant pas apte, selon l’interprétation de la loi, à se présenter aux élections présidentielles.

Les iraniennes ont le droit de vote depuis 1962 et cela n’a pas été remis en question par la République islamique, même si à l’époque l’Ayatollah Khomeiny y été hostile. Déjà en 1999, lors des élections des Conseils des villes et des villages, là ou les relations entre le public et les élus sont les plus directes, 297 femmes avaient été élues au Conseils des villes et 484 à celui des villages. Elles avaient été classées en première ou deuxième position dans 114 de ces circonscriptions. Aux dernières élections législatives, certaines femmes ont pu se présenter, après toutefois avoir eu l’aval de l’Assemblée des experts (12 membres, six nommés par le Guide suprême et six juristes nommés par le chef du pouvoir judiciaire), qui détermine l’éligibilité des candidats sur la loyauté au régime de la République islamique et partagent les « fidèles » et « dissemblables ». Et elles n’occupent toutefois aujourd’hui, en l’absence d’un système de quotas, que 17 sièges parlementaires sur 290, un record depuis l’avènement de ce régime, position comparable en pourcentage à la Thaïlande et au Nigéria, plus que le Qatar et le Liban, deux fois moins que la Syrie et l’Inde.

Pourtant depuis la révolution qu’elles ont menée massivement avec les hommes pour renverser le régime despotique du Chah et malgré un ensemble de lois et de pratique de ségrégation sexuelle et répression postrévolutionnaire les visant, elles n’ont pas cessé de s’imposer dans les sphères de la vie politique, sociale, culturelle et artistique, à la fois au niveau national et international. Même si elles souffrent d’un taux de chômage élevé, elles se sont investies dans les espaces parallèles de la société civile. Elles sont majoritaires à l’université, y compris dans les matières scientifiques, elles ont investi les domaines du journalisme, de l’environnement, de la culture et du cinéma, de la défense des droits humains. Elles ont aussi mené diverses campagnes nationale en faveur de l’égalité des femmes comme celle d’Un million de signatures contre les discriminations, subissant la répression et étant prêtes à aller jusqu’à payer le lourd prix de la prison politique et de l’exil. Elles brillent à l’international comme la lauréate du prix Nobel de la paix Shirin Ebadi, l’artiste Shirin Neshat, la première femme touriste de l’espace Anousheh Ansari et l’actrice Golshifteh Farahani.

Cette importance croissante des femmes dans la société iranienne doit se traduire aujourd’hui dans la politique par une meilleure représentation dans les institutions publiques et de manière toute symbolique et immédiate par la simple possibilité de se présenter aux élections présidentielles.