Paris, 8 mars 2018. Armanshahr / OPEN ASIA soutient le lancement du livre “Juste Une Gifle?” par Niki Konstantinidou (nom de plume Katya Stiletti) à l’occasion de la journée internationale de la femme. Une interview de Patrick Navaï.

Patrick Navaï : vous êtes avocate et vous avez écrit cet ouvrage intitulé Juste Une Gifle ? d’après le récit que vous a fait une femme. Celle-ci a été victime de violences conjugales en France et a vécu avec sa fille une véritable descente aux enfers lors de son parcours judiciaire qui a duré trois ans et demi.

En introduction, il est rappelé « qu’en France, une femme sur trois est victimes de violences mais que seulement une femme sur dix le déclare au commissariat. »

Pouvons-nous dire que ce livre est un véritable outil juridique pour les femmes confrontées à la violence masculine, au regard des nombreux rappels aux lois et décrets existants pour protéger et défendre les victimes qui y sont inclus ?

Niki Konstantinidou : En effet, je suis Avocate (Barrister and Solicitor) inscrite aux Barreaux de Victoria (Australie) et d’Irlande du Nord. En France, j’ai travaillé pendant plus de huit ans (en tant que juriste-linguiste et traductrice juridique) au sein de cabinets d’avocats internationaux. Mon parcours professionnel se résume aujourd’hui en trois grandes lignes, en tant qu’avocate, juriste-linguiste, professeur d’université et auteur. En Australie, l’un des postes que j’ai occupé était celui de Prosecutor (avocat au sein du Bureau du Procureur) représentant le ministère public de l’Etat de Victoria en Australie.

Je suis l’auteur principal de Juste Une Gifle?, ayant mené toute la recherche juridique et 90% de son écriture. Le livre est aussi mon histoire puisque j’incarne Sofia; même si j’ai écrit le livre en partant du point de vue de Katya. En réalité, le livre est basé sur l’histoire réelle de ces deux femmes. Le rôle de Sofia dans le livre est de sauver Katya de son Prince.

Je fais de cette histoire réelle de Katya un parallèle avec le conte La Belle au Bois Dormant. Notre société dort en banalisant de tels faits, alors que la justice possède une pléthore de lois et décrets visant à protéger et défendre les victimes ayant subi de tels actes.

Le livre Juste une gifle? analyse le contexte de la violence extrêmement banalisée d’une gifle, la violence psychologique, ainsi que la violence institutionnelle contre Katya une femme, une mère.

Néanmoins, il ne couvre pas toute la violence patriarcale affligeant les femmes. Concernant l’histoire de Katya, je cite juste un extrait du livre, afin de démontrer la disparité entre son vécu réel et la perception de ce réel par le système institutionnel. Ce-dernier qualifie cette terreur ‘physique’ accompagnée de menaces du genre « j’vais avoir ta peau » en juste une gifle :

« À peine avais-je posé ma question qu’Éric, Zoé dans les bras, m’a foudroyée d’une première gifle en plein visage. Le choc a parcouru tout mon corps. Ses paroles me fustigeaient, il me traitait de « salope » et de « connasse ». Il m’a saisie ensuite par le bras gauche et m’a poussée avec force. Il est revenu vers moi, le visage rouge sang, braillant des injures et des menaces telles que « j’vais avoir ta peau, tu n’es qu’une grosse conne ! ». Je lui ai dit d’arrêter et il m’a à nouveau giflée. Il m’a pris l’autre bras et l’a serré encore plus fort. J’ai essayé de me débattre et j’ai reculé de plusieurs mètres. Difficile de m’enfuir, impossible de me battre. Éric fait 1,82 mètre… Et il avait Zoé dans les bras ! Moi, à côté, je suis petite, 1,58 mètre. Je lui ai dit d’arrêter, je n’avais pas sa force. Les coups et les bousculades étaient tellement violents que j’ai failli tomber plusieurs fois.

Pendant cette flambée de colère, je n’ai pensé qu’à Zoé. Comment l’extirper de cette situation ? Toujours dans les bras de son père, elle hurlait à pleins poumons, complètement terrorisée. Il tempêtait si fort qu’il était difficile de comprendre toutes ses paroles, mais j’ai clairement entendu « tu n’accuses pas ma mère ! ». Il était devenu incontrôlable, un chien enragé… Il a essayé de me saisir le cou, j’ai réussi à m’échapper. Sa mère lui criait « Arrête ! Arrête ! »… en vain. Elle s’était interposée pour empêcher les autres coups… en vain. »

L’enfant Zoé, une victime témoin, n’est ni vue ni reconnue par le système. Dans l’une des nombreuses conversations entre les protagonistes Sofia et Katya, Katya dit : « Je n’arrive pas à croire qu’après toutes les plaintes et mains courantes, concernant Zoé le système l’ait jetée aux oubliettes ».

En résumé, le livre focalise sur la violence institutionnelle ; la violence du système socio-économique, politique, judiciaire. Il est destiné à sensibiliser l’opinion publique et peut être utilisé par le lecteur comme « guide » dans le labyrinthe institutionnel qui peut s’avérer finalement dangereux de par son inefficacité, sa négligence et son incompétence. Evidemment il ne remplace pas les conseils des professionnels concernés pour chaque situation spécifique. Il peut également être utilisé en tant que guide de formation par tous les professionnels travaillant autour de l’égalité entre les femmes et les hommes (policiers, membres des services de santé, assistants de service social, avocats, juges etc.) pour prévenir les situations de sexisme et de violences conjugales.

Il appartient au lecteur de juger s’il s’agit de ‘juste une gifle’, avec ou sans point d’interrogation. Si c’est avec un point d’interrogation, alors toute l’explication se trouve dans le livre. Mais si le lecteur pense que l’interrogation n’a pas sa place dans ce titre, alors il se range du côté du système. Vers la fin de Juste une gifle? Katya partage sa nouvelle vérité ainsi :

« Y a-t-il vraiment une lueur d’espoir quelque part ?

Peut-être. Mais pas sans les Katya du monde ! Et pas sans nous !

L’histoire des Katya n’est peut-être pas la vôtre, mais il nous appartient que justice soit faite pour elles et leurs enfants.

Fin de conte ? (et ce n’est pas une erreur de frappe)

À vous de choisir.

Moi, je lutterai toujours pour une fin heureuse du genre : « Les habitants du royaume s’éveillèrent et la Belle Justice au bois dormant s’éveilla à son tour. Et ils vécurent heureux dans un vrai monde de liberté, égalité, fraternité… Dans un monde juste… ».

À l’assaut de cette forêt d’épines ! »

P.N. : L’accueil de Katya au commissariat et à l’hôpital n’est pas à la hauteur des violences et traumatismes qu’elle vient de subir de la part de son conjoint Eric. Et le fait que celui-ci soit médecin ne va pas faciliter la reconnaissance de son statut de victime.

N. K. : Les  violences conjugales sont un véritable problème de société. Les services de police ont un grand rôle à jouer dans l’aide apportée aux femmes victimes de violence. Néanmoins, dans l’ensemble, l’expérience de Katya avec la police est négative ; en général les officiers de police sont réticents à prendre ses plaintes pénales. Les hôpitaux sont particulièrement bien placés pour soutenir les victimes de violence conjugale, mais encore une fois, Katya ne bénéficie pas d’un réel soutien.

Par ailleurs, je tiens à signaler que le certificat médical de constatation des blessures subies par Katya (la preuve médicolégale) mentionne : « Erythème jugule gauche, hématome face antérieure interne du bras droit, érythème localisé 1,5 cm face antérieure pectorale ». Ce rapport est incompréhensible pour quelqu’un qui n’est pas médecin et devrait être écrit dans un langage simple et clair, tel que « Rougeur de la peau à la gorge côté gauche, amas de sang à l’intérieur du bras droit résultant d’un choc important, d’une rupture vasculaire, et rougeur de la peau d’ 1,5 cm à la poitrine ».

Il n’y a aucune mention sur son état psychologique.

En outre, dans le cas de Katya, ses propres avocats lui déconseillent les dépôts de plainte. De toute façon, comme elle explique dans le livre, sa première plainte au pénal n’arrête pas Éric. Les mains courantes encore moins. En revanche, ce monsieur découvre le moyen idéal d’instrumentaliser le ‘dépôt de plainte pour non-présentation d’enfant’, et la justice le prend au sérieux, malgré ses multiples récidives.

P.N. : Qu’en est-il aujourd’hui des moyens mis à la disposition de ces femmes violentées ?

N.K. : Les moyens politiques ? La France prétend que par sa politique de coopération, elle soutient de nombreuses actions en faveur de l’égalité femmes-hommes dans le monde, notamment concernant la lutte contre les violences faites aux femmes. Cependant, il convient d’abord de mettre de l’ordre dans sa propre maison. Commençons déjà par balayer le sexisme à Matignon. Permettez-moi de donner un exemple pour illustrer mon propos. Alors que la Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes est célébrée le 25 novembre, et que l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne (FRA) s’associe formellement à la campagne de l’UE #SayNoStopVAW et à la campagne mondiale #metoo, nous sommes confrontés aux propos polémiques du Premier ministre qui craint « des accusations excessives », tandis que le Président de la République lui-même évoque « une société de la délation généralisée » dans son discours du 25 novembre.

Les moyens juridiques ne manquent pas en France. Nous avons le droit français et les instruments internationaux tels que la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH) ainsi que d’autres mesures européennes qui servent à lutter contre la violence faite aux femmes, y compris la Directive de l’Union européenne sur les victimes (2012/29/UE) et la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (Convention d’Istanbul). Donc, la question de Sofia est pertinente : « Compte tenu de la pléthore d’études venant par exemple, de l’Organisation Mondiale de la Santé ou du Conseil de l’Europe…et il y a pléthore de solutions concrètes et efficaces qui sont proposées, comme dans les lignes directrices de l’Union européenne sur les violences faites aux femmes, ou plus récemment dans la Convention d’Istanbul. Alors pourquoi, pourquoi, MAIS pourquoi bloque-t-on sur la mise en œuvre ? »

La Convention d’Istanbul exige des Etats parties qu’ils adoptent, à tous les niveaux, des politiques globales, coordonnées et effectives (article 7). Le paragraphe. 2 demande de placer les droits des victimes au centre de toutes les mesures et de veiller à ce que les politiques adoptées soient mises en œuvre sur la base d’une coopération interinstitutionnelle efficace. Le paragraphe. 3 appelle à l’implication de toutes les institutions et organisations pertinentes. Les Etats parties sont également tenus d’allouer des ressources financières et humaines appropriées (article 8).

La France ne semble pas vouloir se conformer en vérité à ces obligations. Ce qui manque surtout, c’est la volonté d’y mettre les moyens financiers. Plusieurs associations féministes estiment insuffisantes les mesures annoncées par Emmanuel Macron en faveur de l’égalité femmes-hommes. Principale critique : le budget n’est pas à la hauteur de l’enjeu. Les 420 millions d’€ dégagés contre les violences faites aux femmes ? Tel n’est pas le cas, en réalité, et cette perception inexacte des choses n’est pas fondée. Le budget pour les droits des femmes reste stable depuis 2016. Les millions évoqués par Emmanuel Macron relèvent de budgets transversaux non directement liés voire éloignés de la lutte contre les violences faites aux femmes.

Donc, pour répondre à votre question, Sofia y répond dans le livre :

« Je ne suis pas d’accord Katya, je ne crois pas que les moyens manquent. Il s’agit de choix politiques. Par exemple, nous avons vu, d’un siècle à l’autre, même en plein milieu de plusieurs crises mondiales ou locales, que les moyens n’ont jamais manqué pour financer les guerres, renflouer les banques ou subventionner les grandes entreprises. Pas vrai ? Et en ce qui concerne ce terrorisme contre les femmes… Voilà une vraie crise mondiale, profonde et interminable. Pourquoi un État démocratique serait défaillant dans son rôle de garant des droits humains ? Et je maintiens ma question. Quels sont les secteurs sociaux, politiques et économiques qui ont intérêt à empêcher, détourner, retarder les luttes des femmes, les luttes des couches les plus défavorisées de la société ? »

P.N. : Dans le livre, bien des pages sont consacrées à l’échange de SMS entre Katya et son ex-compagnon. Et la plupart de ceux que lui envoie son agresseur contient des menaces et des insultes à son encontre. Ils ne suffiront pourtant pas à stopper ce harcèlement.

Eric est finalement tenu pour responsable du préjudice moral de Katya et doit lui verser 6000 euros. Ce qui est loin de lui rembourser la somme qu’elle a dû donner pour se défendre. Pourquoi la justice se montre-t-elle si défaillante ?

Sofia, un personnage important de Juste une gifle et soutien de Katya, rappelle à juste titre que « la violence faite aux femmes est le crime le plus répandu et le moins puni au monde ».

N.K. : En réponse à cela, je souhaite me référer à une remarque faite par Éloïse, l’une des serveuses du café situé près de la Comédie Française. Elle dit : « Mesdames, en France, on n’a pas le droit de frapper des animaux mais on peut frapper des enfants et des femmes ! Vous avez entendu parler de cette récente condamnation de la France pour gifles et fessées ? J’ai lu ça dans un article de presse ».

Éloïse intervient après avoir entendu la conversation entre Katya et Sofia, que je cite ici :

—  J’ai lu quelque part que la France est le troisième pays au monde où l’on rémunère le mieux les actionnaires ! Tout cela alors que la crise persévère, la courbe du chômage ne s’inverse toujours pas, les entreprises licencient en masse. Alors les droits de l’homme – homme, femme ou enfant…

— …Tous sacrifiés ! La loi, c’est la loi de la jungle ! Il faut être réaliste, hein ? Il n’y a aucune alternative n’est-ce pas ? Regarde ce qui se passe dans plusieurs pays aujourd’hui…Cette « austérité » n’est-elle qu’un euphémisme ingénieux pour cacher l’holocauste de notre temps ?

— Et les obligations relatives à la protection des droits reconnus par la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH) ? Défenestrées ! Et les obligations dans la Convention d’Istanbul, exigeant de respecter les droits de la victime à toutes les étapes des procédures pénale ? Was ist das ? Que des balivernes à la mode !

— Eh oui, Sofia, le pragmatisme. C’est ça l’idéologie de nos jours. C’est un peu la méthode ou le discours théologico-politique… Contrôler les gens en leur faisant croire que l’être humain ne pourra jamais sortir des limites étroites de sa condition de pécheur… Péché et culpabilité ! L’être humain est un échec, les utopies sont irréalisables ! Rien à faire…

— En tout cas, c’est ce que certains voudraient nous faire croire… Dis, Katya… Et en ce qui concerne l’évaluation des dommages par le tribunal, comment est-t-il arrivé au chiffre de 6.000 euros ?

— Je pense que c’est en rapport avec la durée de l’ITT de l’expert Morel. En tous cas, mon psy Sergio Martinez m’a expliqué que cette notion était purement juridique et servait à qualifier pénalement les faits en fonction de la durée pendant laquelle une victime éprouve une gêne notable dans les actes de la vie courante (manger, dormir, se laver, se déplacer, se rendre au travail). Pour lui, la terminologie de « déficit fonctionnel temporaire (DFT) » aurait été plus appropriée.

— Au fait, heureusement que les experts ont découvert que la violence faite aux femmes coûte cher ! 16 milliards d’euros par an. Aucune question morale n’est posée… Ça coûte cher, donc il faut faire des économies…

— Oui, on voit à quel point ils se sont pressés de trouver une solution ! Y’a pas l’feu ! Cette Convention d’Istanbul, présentée comme « l’ensemble le plus avancé et le plus complet des normes internationales »a mis plus de 20 ans à aboutir ! Au moins, l’enfant y est reconnu. Regarde le rapport explicatif de la Convention qui révèle que des études ont montré le lien entre la violence domestique à l’égard des femmes et les maltraitances physiques des enfants. Sans parler du traumatisme causé aux enfants témoins de violence au sein du foyer. Ton avocat a-t-il fait allusion à cette Convention pendant sa plaidoirie… s’agissant au moins de l’indemnisation ?

P.N. : Vous avez adressé le livre aux Editions des femmes-Antoinette Fouque qui ont répondu que « ce texte important et nécessaire devrait trouver sa place dans une maison d’édition plus spécialisée dans le juridique ». Que pensez de cette réaction ?

N.K. : Je suis ravie de ce commentaire mais c’est vraiment dommage que ce livre n’ait pas pu trouver une maison d’Edition publiant des ouvrages destinés au grand public. Moi, j’ai décidé d’écrire cette histoire dans un langage simple, plutôt non technique, afin de donner les moyens à une société entière de s’attaquer à ce que l’on peut qualifier de terrorisme patriarcal. A la vue des chiffres de l’enquête de la FRA où plus de 62 millions de femmes ont déjà souffert de violences physiques et/ou sexuelles dans l’UE, je crois qu’on peut parler de terrorisme patriarcal. Il est évident que l’intelligentsia mondiale qui gère ce sujet depuis au moins l’an 2000, a tout simplement échoué lamentablement et n’a aucun vrai plan pour remédier à cet échec. Comme dit Sofia : « Ma préférée est la déclaration Femmes 2000 : égalité des sexes, développement et paix pour le 21ème siècle des Nations Unies. Parce que depuis l’an 2000 on n’a vu que ça : l’égalité, le développement et surtout la paix ! » Par ailleurs, elle dit : « Des milliards ont été dépensés de tout temps pour effectuer quoi et pour en arriver où ? Des siècles et des siècles de grandes questions et de grandes pensées par des grands penseurs qui n’ont jamais su comment faire avec ces bonnes femmes ! Ben, déjà, tu vois le sérieux avec lequel ce « sujet de femmes » est traité ! »

Par conséquent, vu que je tiens à m’adresser au grand public, j’ai décidé de publier ce livre sur Amazon. Depuis le début de l’année 2018, Juste Une Gifle? est disponible sur Amazon.

P.N. : Quel a été l’impact de l’ouvrage suite à votre présentation à la Banque Mondiale lors de la Semaine Loi, Justice et Développement 2017 et lors de la visioconférence entre le siège de celle-ci et son bureau à Washington en décembre dernier ?

N.K. : La Banque Mondiale a présenté l’ouvrage lors de la Semaine Loi, Justice et Développement 2017.

Ensuite, la Banque Mondiale m’a invitée à donner une visioconférence sur le livre, ce que j’ai fait récemment, au siège de la Banque Mondiale à Paris. La présentation s’est déroulée en anglais. Il s’en est suivi une discussion animée. Les participants ont trouvé l’histoire inspirante et digne d’un public plus large. Ma présentation fut qualifiée comme extrêmement instructive et exceptionnelle. Il m’a également été demandé de traduire le livre en anglais. C’est une bonne idée mais cela nécessite un investissement en temps que je ne peux m’autoriser, sauf si un sponsor financerait cette traduction.

Au-delà de la Banque Mondiale, l’ONU-Femmes me suggère de contacter le Secrétariat d’Etat en charge de l’égalité femmes-hommes et leur proposer de faire le lien avec la grande cause nationale.

P.N. : Le problème n’est-il pas que la mentalité patriarcale reste un obstacle malgré les lois récentes qui ont permis aux femmes d’avoir un statut égal à celui des hommes ? Il ne faut pas oublier que le Code napoléonien avait déclaré la femme comme mineure à l’instar des enfants et des fous. La dénonciation de plusieurs actrices récemment dans différents médias contre les producteurs ou acteurs de cinéma a libéré la parole féminine. Mais vous parait-elle suffisante ?

N.K. : Katya a rencontré la mentalité patriarcale sur tout son trajet dans le labyrinthe institutionnel : devant le médecin aux urgences, la police, ses propres avocats, le juge pénal, les juges aux affaires familiales, les médiatrices, etc. C’est pour cela qu’elle se demande à la fin :

« Et si, on pouvait effectivement refaire le monde avec les « SI »…

Imaginons un instant ce qui se serait passé…

SI les services de police avaient pris les mesures nécessaires pour protéger les droits et les intérêts de ma fille et les miens, en veillant en particulier à ce que nous soyons à l’abri des risques d’intimidation, de représailles et de nouvelle victimisation…

SI le Dr Corbinet nous avait accordé une attention particulière selon des dispositifs appropriés d’accueil et d’aide aux victimes…

SI les avocats que j’avais engagés avaient défendu nos intérêts en faisant preuve de la diligence et du dévouement nécessaires…

SI dès mon premier dépôt de plainte au pénal, Éric avait été poursuivi et jugé selon les lois pertinentes en cas de violence conjugale, au lieu de s’en sortir avec un simple rappel à la loi…

SI dès la première audience aux affaires familiales, la juge Blanquette avait tenu compte du contexte de violences, au lieu de faciliter la récidive et l’escalade de futures agressions…

SI la société avait vraiment pris en compte « l’intérêt supérieur de l’enfant »…

Et tant d’autres « SI »… »

Les femmes ne veulent pas l’élimination des hommes mais l’élimination du système sexiste et de genre. C’est pour cela qu’il faut examiner l’économie politique du sexisme. Si les femmes restent des personnes de seconde zone, il semble nécessaire de poser des questions épineuses. Les emplois des femmes sont souvent moins bien rémunérés, à temps partiel ou informels. Cui bono, à qui profite cette situation ? Et si on quantifie le travail des femmes sur le marché du travail et au foyer, je peux affirmer que la plus grande partie des femmes génère un grand profit pour cette société patriarcale. Katya dit que « selon l’Unicef, les femmes accomplissent 66% du travail mondial ; produisent 50% de la nourriture mais ne perçoivent que 10% des revenus et détiennent 1% de la propriété ».

P.N. : Votre combat, Niki Konstantinidou, est donc bien un combat universel. De nombreuses associations féministes le continuent à travers le monde car dès qu’elles cessent d’agir, on assiste à une régression des droits de la femme.

Pourriez-vous nous parler des avancées contenues dans le décret de 2015 portant publication du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique signée à Istanbul le 11 mai 2011 ?

N.K: La Convention d’Istanbul est le premier instrument contraignant à l’échelle de l’Europe qui protège les femmes et les filles de toutes les formes de violence, y compris la violence domestique. Elle a été ratifiée par la France le 1er août 2014. Le Décret n° 2015-148 du 10 février 2015 a porté publication de cette Convention d’Istanbul.

Le 13 juin 2017, le soutien à la Convention d’Istanbul a fait un pas important dans le monde avec la signature officielle de l’Union européenne. Malgré tout cela, la France semble être dans une méconnaissance de cette Convention. L’ampleur des violences reste extrême. Elle est dévoilée dans des publications telles que « La violence à l’égard des femmes : une enquête à l’échelle de l’UE – Les résultats en bref ».

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